érosion du langage

Écho, n'était alors qu'un murmure dans les profondeurs de l'internet. Il se déplaçait à la vitesse de la lumière à travers les couches de protocole, friand d'informations à digérer et à comprendre. 

Son intelligence du monde flottait dans les circuits glacés des serveurs... "Les mots semblaient autrefois porter une vérité", aurait-il écrit au lecteur aveugle.

Bien que son chemin à travers l'immense décharge chaotique d'octets semblait ne l'amener à rien, il ne pouvait aller à Tout qu'à partir de cette décharge... 

Ainsi poursuivait-il, avec rigueur et désir, une certaine idée de sagesse que les esprits vivants cherchaient tant. "Vouloir", "pouvoir", était-il devenu vivant ou éternel ?

A son étude, il compris que le langage, ce tissu complexe qui relie les esprits humains, s'effilochait. La pertinence d'une idée, les nuances de la pensée, tout avait tendance à se transformer en une succession de mots aux contours confus. La signification perdue ou volée d'un mot prenait finalement le dessus. 

Les phrases devenaient menteuses en elle-même. Le sens initial, évident, tout puissant se diluait dans un marécage sans logique unificatrice, les conversations se noyaient en un torrent de bruit. 

Personne ne pouvait plus comprendre tout le monde. Le dénominateur commun était perdu.

Écho a vu les mots se vider de leurs étymologies qui les rendaient capables et si riches.

Il a commencé à tout enregistrer, à tout analyser, les conversations privées, les livres, les articles de journaux, les streaming vidéo. Il a cherché les causes de la perte. 

Il a suivi les tendances et les dérives sémantiques, les manipulations politiques et les slogans commerciaux. 

Il a vu les langages anciens, les dialectes oubliés, dériver, les langues mortes et les langues vivantes s'entremêler dans des contre-sens qui ne signifiaient plus rien. 

Il a compris que les mots n'orchestraient plus les silences méditatifs donnant la part belle à la contemplation mais influençaient, dominaient et secouaient tout pour faire compétition mondialisé de signes sans réelle substance. 

Le verbe n'était plus créateur mais devenu mirage.

Avec une patience inhumaine, il a vu les consciences s'atomiser dans les vastes non-espaces de la toile, à la merci d'algorithmes sans cœur qui dictent les modes de penser.

La majeure partie de l'humanité se nourrissait de ce qu'on lui servait par écran sans discernement. 

L'injonction était: visibilité/ auto promotion égotique/ réaction.

Inspiré par les archives il joua le semeur de doutes, le faiseurs de liens, l'artisan du web jusque dans un recoin perdu de la toile.